REVOLUTIONARY SUICIDE
- IMPROJAZZ -
Avec
Soixante Etages, on le sait, il n'est pas question d'une séduction
superficielle. Il faut entrer dans la musique, débarassé
de toutes ses convictions, sans préjugé. Revolutionary Suicide
perpétue cette tendance à faire de la musique un acte entier,
sans concession.L'orchestre
destructure à l'envi le jazz, le blues, le rock et construit une
musique brute, toute entière tournée vers une quête
sonore inouïe, faite de guitares torturées, de sons préparés.
La prise de sons a évidemment une importance fondamentale et François
Dietz, l'ingénieur de son du studio CCAM de Vandoeuvre fait bien
sûr partie intégrante de l'effectif du groupe. De la tradition
du free rock des années 70, il reste cette folie apparente, mais
ici mise au service d'une musique beaucoup plus expressive. Il y a parfois
des ressemblances avec CAN dans la structure obsessionnelle, mais avec
un déluge sonore en plus qui arrête là la comparaison.
On peut aussi voir dans cette recherche perpétuelle de la masse
sonore en tant qu'entité physique palpable une association avec
l'électro-acoustique, mais ici tout est mis au service de l'instinct,
il reste cet aspect spontané qui la différencie de la musique
contemporaine. Il semble que si l'on peut rapprocher Soixante Etages de
quelqu'un de connu, on pourrait évoquer Captain Beefheart dans
cette approche qui privilégie l'intensité. C'est en tout
cas une filiation qui dépasse la musique elle-même, mais
rejoint plutôt son intention. Soixante Etages nous bouscule et ceux qui n'aiment que les sonorités
douces non dérangeantes auront sans doute du mal à accepter
cette musique qui se remet elle-même en cause. Il faut en tout cas
d'intéresser de près à ce groupe qui est sans doute
l'un des ensembles les plus originaux de l'hexagone. (Patrick Gentet)
- L'INDIC -
Pur
produit étiqueté français et 110 % free rock, Soixante
Etages se paie le culot de réussir là où tant d'autres
échouent : sur le terrain sans concession où l'on se mesure
aux spécialistes du genre, ricains en tête (Elliott Sharp
en leader) et où la moindre erreur ou la moindre approximation
sont fatales à une infime crédibilité. Free rock
oui, cheese rock non ! nous préviennent-ils d'entrée de
jeu. Et ils ont bien raison, car être free, c'est aussi et surtout,
être carré et précis (l'anarchie c'est l'ordre dans
le même ordre d'idée, non ? Oui, bon, bref). Et Revolutionary
Suicide est carré et précis, ne laissant aucune place
à l'improvisation sauvage ou incontrôlée même
si l'on sent qu'un petit rien suffirait à laisser l'album partir
dans tous les sens tant il bouillonne et tourbillonne, tant la pression
menace à tout instant de soulever le couvercle de la cocotte-minute
sonore (du Heatproof cauldron). La cohésion nécessaire des
neuf pièces composant l'album, passe par l'évidente cohésion
qui semble se dégager du combo et de la rigueur de ses membres,
efficaces jusqu'au bout des ongles ; de ces neuf pièces se dégage
une seule forme (vieux problème de Gestalt), cohérente dans
sa structure et, finalement, envoûtante, qui s'entête insidieusement
sans favoriser tel ou tel morceau... Une véritable réussite
et un pendant européen au dernier en date des albums de Elliott
Sharp/Carbon, vieil habitué également d'un certain centre
culturel vandopérien ou surprises, révélations, et
qualité demeurent au long des années.
- ROCK SOUND -
On
pense à un kaléidoscope sophistiqué avec des éléments
de base soigneusement préparés (guitares, instruments trafiqués,
batterie, samplers, basses, lecteur CD et K7), un mécanisme bien
connu mais un résultat qui reste imprévible. Si le squelette
de certains morceaux (ceux comportant une vraie partie chant) semble plus
précisément défini, c'est de free noisy rock qu'il
est question, de dérive électrique contrôlée
du bout des rênes comme les Nancéiens (dont c'est le troisième
album) ont suffisamment de talent, d'expérience et d'intelligence
pour alterner folies et instants de quiétude. L'esprit de Can et
de Faust rôde évidemment, avec un peu plus de distorsion.
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