LE COMPLEXE DE LA VIANDE
- LE MONDE -
Dans
le plus vif du sujet de la relation entre littérature et musique,
le Complexe de la Viande, trio formé en 1999, ne s'est pas placé sous
les éclairages les plus brillants et les mélodies évidentes ces derniers
temps en la matière (Michel Houellebecq). Sur de longs bâtons fins, Serge
Pey a inscrit ses mots, simples, des mots employés au quotidien, des mots
qui disent la censure, l'amour, la politique, la création, le mauvais
état du monde, la nature. Il les agence et les prononce avec clarté, sans
effets d'intonation, dans la conviction de leur propre pouvoir. Cette
sorte de poésie sans rime, dictée plus qu'elle n'est lancée, a pour compagnon
de musique Laurent Dailleau, manipulateur des ondes sonores du theremin
et le guitariste Dominique Répécaud. Ils se mettent au diapason. Les notes
s'étirent, se prolongent en larsens parfois hachurés, courbes à la lente
évolution, réponses improvisées à ce qui est dit. L'ensemble, qui pourrait
n'être qu'une performance de l'instant, est l'un des actes musicaux les
plus prenants, les plus évidents et les plus engagés du moment. (Sylvain Siclier)
- IMPROJAZZ -
Enregistré
dans le cadre d'une résidence de Serge Pey en mars dernier au CCAM
de Vandoeuvre, ce disque est particulièrement important pour qui
s'intéresse aux musiques actuelles. Serce Pey (textes, voix), Laurent
Dailleau (thérémin, AKS), Dom' Répécaud (elg)
produisent une musique très tendue, mais où la poésie
joue également le premier rôle. Dom tisse des lignes de guitare
jamais éthérées ni trop saturées qui laissent
la scansion du vocaliste s'exprimer. A aucun moment celui-ci n'est couvert
par la guitare ou l'électronique antique de Dailleau ; c'est donc
une parole forte, claire et bien en place qui est restituée. Il
ne faudrait toutefois pas croire que les deux instrumentistes restent
seulement des faire-valoir ou de simples accompagnateurs. Ceux-ci se ménagent
des espaces d'expression mais sans ostentation, sans fausse virtuosité.
Une grande sobriété habite de CD. Une grande vérité
s'en dégage et nous nous trouvons emportés par les trois
musiciens dans des ailleurs véhéments et calmes, entremêlés.
Une seule réserve me vient à l'esprit, ce très beau
(bon) disque est malheureusement trop court dans sa durée, et un
sentiment de réelle frustration nous étreint, tellement
on est transporté. (Serge Perrot)
- OCTOPUS -
Si
Pierre Henry avait dû trouver le titre de ce disque, sans doute
l'aurait-il baptisé "Messe noire pour poésie et guitares".
Après la collaboration de son groupe Etage 34 avec le chanteur
basque Beñat Achiary, Dominique Répécaud a entamé
une nouvelle collaboration avec un esthète vocal, en l'occurence
le poète Serge Pey, auxquels se joint le tacticien tactile du theremin
Laurent Dailleau. Enregistré dans la foulée d'un concert
du trio à Nancy (avec Etage 34), "Le complexe de la viande"
crépite comme un grill juteux sur le feu. Dès les premières
secondes, la sensation d'excitation prédomine, celle que l'on ressent
quand on sait qu'il va se passer quelque chose, quand l'énergie
contenue atteint un tel degré de concentration qu'une flammèche
ferait tout exploser. La voix de Serge Pey plonge comme de profondes racines
au centre du manège, altière, charpentée avec la
rudesse colorée de l'accent du Sud-Ouest, tandis que des sonorités
électriques et stridentes sifflent et se meuvent avec persistance
comme une violente bise hivernale. Si loin, si proche, on perçoit
les joutes dramatiques d'Etant Donnès dans cette atmosphère
grisante et viciée, on songe aux rutilances déclamatoires
de Dantec et Pinhas. Mais, particulièrement sur "la vingt-cinquième
heure", la première des deux pièces, c'est dans la
durée que s'installe le malaise, rendant encore plus infinie la
noire altercation des textes et des sons. La deuxième pièce
"L'art mis en quartiers" détonne par sa tonalité
politique, faisant miroiter sur les moirures, rouge/verte de la tomate,
les considérations engagées d'un Serge Pey en lutte avec
les assemblages d'idées un peu trop faciles. Dantec n'est donc
pas très loin là non plus même si l'idéal est
ici nettement plus de gauche. Le bouillonnement musical s'est quelque
peu réduit dans son intensité mais c'est bien toujours lui
qui véhicule et canalise le discours, qui le porte vers son paroxysme
cinglant. Un disque de chair et de sang.
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