DOMINIQUE RÉPÉCAUD
On peut passer sous silence les débuts de chanteur (1964) et un apprentissage où transparaît déjà un caractère réfractaire à certaines règles écrites. Un premier groupe de pop-rock à l'âge de 12 ans avec les voisins (Michel et Philippe Janiaut) : musique de grenier - avant la mode des garages - en 1967. Une reprise de Yellow Submarine des Beatles. La bande a disparu…et les instruments aussi. Dommage. Finalement guitariste autodidacte (et bricoleur), il traverse les années (vécues comme flamboyantes) 70 (un groupe culte - deux guitares, une basse et quelques objets : CCB dont toutes les traces magnétiques ont été effacées), fumant quelques amplificateurs de deuxième ordre et cassant les cordes, encore et encore. Il passe beaucoup plus de temps à écouter des musiciens qu'à travailler véritablement un instrument ou un projet. Mais très vite décide qu'écouter est aussi un travail utile et nécessaire. Il est marqué par les concerts de Magma, Gong et Can en 1972, Crium Delirium, Henry Cow et King Crimson en 1974. Une certaine idée du free-rock lui traverse l'esprit. Le temps passe et les circonstances sociales et politiques impliquent un repli stratégique en 1977. Pause dans une carrière curieuse de non-musicien. Il écoute cependant toujours Derek Bailey, John Cage, Sun Ra, Soft Machine, Pierre Henry, Jeff Beck, Fred Frith, Jimi Hendrix (et le blues en général), Nico,Captain Beefheart, Zappa…puis AMM, Helmut Lachenman et des centaines d'autres... Il fonde Soixante Etages avec Jean-François Nodot rencontré à Dijon en 1980. C'est à cette époque que DR tente de réaliser ce qu'il avait imaginé quelques années plus tôt, contournant encore et encore les obstacles techniques, ce qui est une des manières de se créer une forme personnelle d'expression. S'il hésite face à l'instrument, c'est parce que tout a été dit, semble-t-il Keith Rowe et AMM le pensaient en 1965… En 1980 (et encore plus en 2000) quiconque, ou presque, revendique la fonction de guitariste " avancé ", prépare et installe, s'assied et contemple. Une des caractéristiques (disons culturelle) de DR est cet attachement profond à quelques racines mal plantées, comme le rock et ce qui l'entoure. Le choix se précise assez vite. Et d'attaquer les six cordes avec conviction. Etendre (j'emprunte le terme à Sophie Agnel : piano extensif) les fonctions de l'instrument (guitare et ampli) et le repousser dans ses limites. Travailler sur des "micro " modes de jeu : c'est à dire voler aux artistes évoqués plus haut une partie de leurs trouvailles, les détourner, les retourner jusqu'à faire à l'envers avec le risque assumé de ne rien produire. Ainsi transposer les techniques de guitare à plat dans une attitude rock traditionnelle et rechercher en permanence la manière de faire penser les doigts (concept soufflé à Jeff Beck) éviter d'être soliste tout en l'étant en permanence (idée de dK et OP), cette préoccupation devenant forcément première avec l'ère Etage 34 à venir. Les rencontres se suivent et le développement s'effectue à Nancy et Vandoeuvre à partir de 1983, alors qu'un collectif (nous y remarquons déjà Daniel Koskowitz) s'installe dans les sous-sol du CCAM. Soixante Etages accueille tranquillement de nouveaux partenaires et fonde en 1990 le label 33Revpermi, à l'occasion de la sortie du LP Heatproof. Puisque personne n'en voulait, de cette merveille, il fallut bien s'en occuper. François Dietz, Jacques Debout, puis Daniel Koskowitz (il y aura une première formule d'Etage 34 en duo - dK et DR en 1987) sont les premiers curieux concernés par cette activité. Ils deviendront les premiers permanents de Soixante Etages. Des amis de passage laissent quelques traces, comme Daunik Lazro, les Dust Breeders . C'est avec l'arrivée d'Olivier Paquotte en 1991 que les choses se compliquent progressivement, avec une augmentation sensible des productions discographiques et des prestations scéniques. Jean-François Nodot s'éloigne en 1992. Etage 34 prend naturellement le relais de Soixante Etages, devenant la structure centrale du label. Les collaborations et invitations se multiplient à partir de 1994, dès la création d'Idiome 1238. Etage 34 est la cellule idéale pour ce guitariste qui testera toutes les pédales du marché avant d'admettre cette évidence : seule la distorsion est bonne. Le contexte permet une démocratie directe réelle et une véritable circulation sonique. La disponibilité de ses membres autorise des collaborations diverses. La souplesse de fonctionnement du trio et sa longévité permettent de nombreuses aventures individuelles, éphémères ou permanentes. Si DR retrouve régulièrement (mais trop rarement) Frédéric Le Junter, le quatuor de guitares Misères et Cordes avec Pascal Battus, Camel Zekri, Emmanuel Petit ou encore Le Complexe de la viande avec Serge Pey et Laurent Dailleau, il aura le plaisir de croiser le son avec des dizaines de personnalités (voir collaborations) et aura même l'honneur d'être invité en studio par quelques artistes reconnus : Dominique Regef, Pascal Comelade, Dominique Grimaud. Amusé par le mélange, c'est sous le nom d' Ana Ban, qu'il effectuera un résumé de douze années d'activité sur une face de 45 tours. A partir de cette idée, il invitera quinze personnes en 1998 à participer à la réalisation d'un disque (In Situ).
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